Pourquoi le Japon, malgré ses 9 millions de maisons abandonnées, ne connaît pratiquement aucun cas de squat
Dans de nombreux pays, les logements vacants sont rapidement la cible de squatteurs. En France, par exemple, le phénomène prend parfois des proportions préoccupantes. Pourtant, à l’autre bout du monde, un pays affiche une réalité radicalement différente : le Japon compte plus de 9 millions de maisons abandonnées… et quasiment aucun squatteur.
Mais comment expliquer ce paradoxe ?
Un phénomène inquiétant mais silencieux : les « akiyas »
Au Japon, on appelle ces maisons vides les akiyas. Selon les dernières données officielles, plus d’une habitation sur dix dans le pays est aujourd’hui désertée. Cette tendance s’explique en grande partie par la désertification progressive des campagnes, combinée à un vieillissement accéléré de la population. De nombreux héritiers préfèrent se débarrasser de ces propriétés, souvent sans succès, malgré des prix symboliques parfois fixés à un simple yen.
Une culture immobilière unique : le neuf plutôt que la rénovation
Ce rejet des anciennes maisons s’explique aussi par la culture immobilière japonaise. Contrairement à ce qui se fait dans de nombreux pays occidentaux, les Japonais accordent peu de valeur à un bien immobilier ancien. Passé 30 ans, une maison est souvent considérée comme obsolète, voire bonne à démolir. Seul le terrain garde réellement de la valeur.
Comme le souligne Anton Wormann, spécialiste des akiyas, les banques japonaises encouragent davantage la construction de maisons neuves que la rénovation de l’ancien. Et pour cause : entre les normes parasismiques à revoir, l’isolation inexistante, ou encore les systèmes électriques et sanitaires vieillissants, les travaux nécessaires peuvent coûter bien plus cher que la maison elle-même.
Des conditions peu favorables au squat
Face à ces millions de maisons à l’abandon, on pourrait s’attendre à une multiplication des occupations illégales. Pourtant, le squat reste marginal au Japon. Comment l’expliquer ?
Plusieurs facteurs entrent en jeu :
- Une culture de la loi et de l’ordre très ancrée : la société japonaise valorise fortement le respect des règles, y compris chez les personnes en difficulté.
- Un regard social sévère sur les comportements déviants, y compris le squat, qui est perçu comme une atteinte grave à la propriété.
- Une population vieillissante et surmenée : les jeunes générations, très occupées par le travail, n’ont ni le temps ni l’envie de se lancer dans une occupation illégale.
- Des squatteurs rares et discrets, au point d’être quasiment invisibles. Seules quelques anecdotes isolées ont fait l’objet de reportages ou d’articles.
Des investisseurs étrangers attirés… puis refroidis
L’abondance de ces maisons à prix cassés a toutefois attiré l’attention d’investisseurs étrangers. L’idée d’acheter une maison au Japon pour quelques milliers d’euros séduit. Mais la réalité les rattrape vite : les coûts de rénovation sont astronomiques, et le retour sur investissement, loin d’être garanti.
Comme le rappelle Anton Wormann sur sa chaîne YouTube, ces achats sont tout sauf de simples aubaines. Ils demandent une implication importante, de solides connaissances en gestion de travaux, et surtout, une vraie compréhension du contexte japonais.
Une tragédie environnementale silencieuse
Au-delà de l’aspect immobilier et économique, le phénomène des akiyas pose une véritable question environnementale. Des milliers de maisons construites sont aujourd’hui laissées à l’abandon, alors qu’elles pourraient, avec un peu de volonté politique et d’initiatives locales, être transformées ou rénovées.
En conclusion
Le Japon fait face à une crise immobilière unique au monde. Malgré des millions de maisons abandonnées, le squat reste un phénomène quasi inexistant, en grande partie grâce à la culture locale, à la difficulté de réhabilitation, et à une société très réglementée. Cette situation, aussi fascinante que complexe, invite à réfléchir à nos propres modèles de gestion du patrimoine immobilier… et à la valeur réelle que nous accordons aux lieux que nous habitons.
