IPTV pirate en France : l’Arcom prépare un choc répressif inédit
La France s’apprête à franchir un cap décisif dans la lutte contre le piratage audiovisuel. Un récent rapport parlementaire, remis à l’Assemblée nationale à la fin de l’année 2025, propose un arsenal bien plus dur que tout ce qui a été appliqué jusqu’ici. Objectif : répondre à la montée fulgurante de l’IPTV illégale, utilisée par 11 pour cent des internautes français, et stopper l’hémorragie financière qu’elle provoque.
Entre automatisation des blocages, implication renforcée des acteurs du numérique et sanctions pénales revues à la hausse, ce texte marque un véritable tournant.
Un piratage qui progresse malgré quinze ans de lutte
Depuis les premières lois Hadopi, la France a pourtant connu des progrès réels. Le recours au téléchargement pair à pair a fondu de 80 pour cent en quinze ans, passant de plus de huit millions d’utilisateurs à environ un million. Les avertissements envoyés par l’Arcom, héritière d’Hadopi, restent efficaces : près de trois quarts des internautes épinglés ne récidivent pas.
La réforme de 2021 avait également permis d’accélérer les procédures de blocage des sites miroirs et de mieux cibler les retransmissions sportives pirates. Entre 2021 et 2025, l’audience globale des services illicites a baissé de 35 pour cent, et plus de treize mille noms de domaine ont été bloqués.
Mais une nouvelle menace a émergé : l’IPTV illicite.
L’IPTV pirate, la nouvelle plaie de l’audiovisuel français
En 2018, cette technologie n’était quasiment pas utilisée. En 2025, elle séduit déjà près d’un million d’usagers. Elle repose sur un écosystème agile et difficile à démanteler : serveurs à l’étranger, bouquets de chaînes copiés sans autorisation, abonnements vendus pour quelques dizaines d’euros par an.
Les pertes sont vertigineuses :
- 1,2 milliard d’euros pour le secteur audiovisuel
- 290 millions d’euros pour le sport
- 230 millions d’euros de TVA en moins pour l’État
- 190 millions d’euros de cotisations sociales volatilisées
Les clubs sportifs professionnels, dont plus d’un tiers des revenus proviennent des droits télévisés, accusent à eux seuls près de 130 millions d’euros de pertes.
Et face aux blocages traditionnels, les pirates réagissent en quelques heures en relançant de nouveaux sites miroirs. L’usage des VPN et des DNS alternatifs explose.
Selon le rapport, 66 pour cent des consommateurs illicites utilisent ce type d’outils pour contourner les blocages.
L’exemple italien comme modèle pour la France
Pour sortir de cette course sans fin, l’Arcom propose de calquer la France sur le modèle italien, qui a adopté en 2023 un système baptisé Piracy Shield.
Principe : un blocage automatique et massif des services illicites, déclenché en moins de trente minutes, non seulement via les fournisseurs d’accès à Internet, mais aussi via les résolveurs DNS, les VPN ou encore certains moteurs de recherche.
En France, une proposition de loi relative au sport professionnel devrait permettre à l’Arcom de déployer une version nationale de ce dispositif. Les détenteurs de droits sportifs seraient habilités à détecter les flux illicites, transmis ensuite à l’Arcom pour un blocage immédiat.
Les VPN et les influenceurs aussi dans le viseur
Le rapport appelle également à une coopération accrue de tous les intermédiaires numériques :
- fournisseurs de VPN
- hébergeurs
- plateformes d’applications
- moteurs de recherche
- prestataires de paiement en ligne
Certains fournisseurs de VPN, souvent en partenariat avec des influenceurs, mettent en avant la capacité de contourner les blocages nationaux. L’Arcom recommande d’interdire ce type de promotion, jugée contraire à l’intérêt général.
Vers un durcissement pénal sans précédent
Le troisième pilier du rapport concerne l’arsenal judiciaire.
Aujourd’hui, mettre à disposition des contenus protégés expose à trois ans de prison et 300 000 euros d’amende. Mais ce cadre vise principalement le piratage audiovisuel classique.
Le rapport propose d’introduire de nouvelles infractions spécifiquement liées aux atteintes aux droits sportifs, secteur où le piratage est particulièrement lucratif.
Un nouveau délit d’administration illicite de plateforme a d’ailleurs été ajouté récemment au code pénal, ciblant les services qui facilitent sciemment l’accès à des contenus illégaux.
Ces évolutions visent à donner aux ayants droit davantage de leviers pour identifier et poursuivre les administrateurs de services IPTV pirates.
Une nouvelle stratégie fondée sur la rapidité et la coopération
Derrière ces propositions, une idée centrale : la lutte contre le piratage ne peut plus se contenter d’ajustements mineurs. Elle nécessite une action publique plus rapide, plus flexible et mieux coordonnée avec les acteurs privés du numérique.
Reste une question majeure : ces mesures seront-elles pleinement compatibles avec les règles européennes, notamment en matière de liberté d’expression et d’accès à l’information en ligne ? Le Conseil d’État doit encore se prononcer sur certains points, et des ajustements pourraient être nécessaires.
Une nouvelle ère pour la lutte contre le piratage en France
Avec ce rapport, la France s’apprête à durcir très nettement sa position.
Entre blocage en trente minutes, sanctions renforcées et mobilisation de tous les intermédiaires du numérique, un changement profond se profile.
L’année 2026 pourrait ainsi marquer le début d’une stratégie répressive d’une ampleur inédite, visant à freiner la progression spectaculaire de l’IPTV illégale et à protéger un secteur audiovisuel fragilisé.
