Inscrit à tort comme mauvais payeur : Carrefour condamné à indemniser un client pour atteinte à son honneur

Être fiché comme « mauvais payeur » alors qu’on n’a jamais contracté de crédit peut avoir des conséquences lourdes, tant sur le plan administratif que psychologique. C’est précisément ce qu’a vécu un consommateur victime d’une usurpation d’identité, dont le nom a été inscrit par erreur dans un fichier de solvabilité. La justice espagnole vient de trancher : la filiale financière de Carrefour devra lui verser 2 500 euros de dommages et intérêts.

Une usurpation d’identité aux lourdes conséquences

Tout commence par une fraude classique mais redoutable. Un tiers usurpe l’identité du plaignant pour souscrire un financement auprès de la branche financière de Carrefour. Le crédit n’est jamais remboursé, ce qui entraîne l’inscription du nom de la victime dans un registre espagnol de mauvais payeurs.

Pendant plusieurs mois, le consommateur est ainsi présenté comme débiteur, sans comprendre immédiatement l’origine du problème. Son honorabilité est mise en cause, alors même qu’il n’a jamais signé le moindre contrat.

Des contrôles jugés insuffisants par la justice

L’affaire est portée devant l’Audiencia Provincial de Tarragona, qui analyse les conditions de souscription du crédit. Les juges relèvent plusieurs manquements graves :

  • absence de vérification d’une pièce d’identité originale,
  • aucun contrôle de la signature,
  • aucune vérification de la titularité du compte bancaire utilisé pour le prélèvement,
  • absence de cohérence entre les coordonnées fournies (téléphone, adresse, email).

Selon la cour, ces négligences ne peuvent être considérées comme une simple erreur administrative. Une entreprise spécialisée dans le crédit à la consommation est tenue à une obligation de vigilance renforcée.

Une atteinte caractérisée au droit à l’honneur

Pour motiver sa décision, la juridiction s’appuie sur une jurisprudence constante du Tribunal Supremo. Être inscrit dans un fichier de solvabilité entraîne une dévalorisation sociale immédiate :
l’étiquette de « mauvais payeur » porte atteinte à la dignité, à la réputation et à l’estime de soi.

Les juges rappellent toutefois qu’une inscription dans ce type de fichier n’est pas illégale en soi. Elle le devient lorsque la dette est inexistante ou injustifiée, comme dans ce cas précis, où le client était victime d’une fraude évitable.

Un préjudice moral présumé, même sans perte financière

Un point essentiel ressort de cette décision : le plaignant n’avait pas besoin de prouver un préjudice financier concret.
En droit espagnol, lorsqu’une atteinte illégitime à un droit fondamental est reconnue, le dommage moral est présumé.

Même sans consultation du fichier par des tiers, la justice estime que la situation a généré une souffrance psychologique réelle, ainsi que des démarches stressantes et chronophages pour faire rectifier la situation.

L’indemnisation de 2 500 euros est qualifiée de « prudente mais justifiée » au regard des circonstances.

Un avertissement clair pour les enseignes et organismes de crédit

Ce jugement envoie un message fort aux acteurs du crédit, en particulier dans un contexte de souscriptions rapides, à distance ou en magasin. Les juges attendent a minima :

  • la présentation et la conservation sécurisée d’une pièce d’identité authentique,
  • la vérification sérieuse des coordonnées du client,
  • le contrôle de la titularité du compte bancaire utilisé,
  • des procédures internes capables de détecter les fraudes.

Ce que les consommateurs doivent retenir

Pour les particuliers, cette affaire rappelle qu’une inscription abusive dans un fichier de solvabilité n’est pas une fatalité. Il est possible de :

  • contester formellement la dette,
  • exiger la suppression ou la rectification des données,
  • et, si nécessaire, saisir la justice pour obtenir réparation, y compris pour un préjudice moral.

Même sans perte financière immédiate, l’atteinte à la réputation peut être reconnue et indemnisée.

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *