Œufs : pourquoi une pénurie s’installe dans les supermarchés français

Depuis plusieurs semaines, un phénomène intrigue – et parfois agace – les consommateurs : les rayons d’œufs se vident plus vite qu’ils ne se remplissent. Dans de nombreux supermarchés, les boîtes se font rares, certaines références disparaissent temporairement, et les ruptures deviennent visibles. Loin d’être un simple problème logistique ponctuel, cette situation repose sur une cause principale, à la fois simple et révélatrice des évolutions de nos habitudes alimentaires.

Des ruptures de plus en plus fréquentes

Le constat est clair : les œufs connaissent actuellement un taux de rupture inhabituellement élevé. Selon les données du cabinet NielsenIQ, environ 13 % des références sont en rupture depuis le début de l’année. Un chiffre significatif pour un produit du quotidien, longtemps considéré comme abondant et stable.

Ce déséquilibre surprend d’autant plus que la France reste un acteur majeur du secteur. Avec plus de 15 milliards d’œufs produits chaque année, l’Hexagone demeure le premier producteur européen, comme le rappelle le CNPO. Pourtant, cette puissance de production ne suffit plus à répondre à une demande en forte accélération.

Les Français consomment toujours plus d’œufs

L’une des clés de cette pénurie partielle réside dans l’évolution des comportements alimentaires. Entre janvier et novembre, les ventes d’œufs ont progressé d’environ 6 % sur un an, selon Worldpanel by Numerator. En moyenne, un Français consomme aujourd’hui entre quatre et cinq œufs par semaine, soit près de 240 œufs par an. Un niveau historiquement élevé.

Dans un contexte marqué par une inflation alimentaire durable, l’œuf s’impose comme une valeur refuge. Malgré la hausse générale des prix depuis 2022, il reste l’une des protéines animales les plus abordables. Le prix moyen d’un œuf en grande surface tourne autour de quelques dizaines de centimes, bien en dessous de la viande ou du poisson, comme le souligne Circana France.

Un aliment bon marché… et très apprécié

Au-delà de son prix, l’œuf bénéficie d’une excellente image nutritionnelle. Riche en protéines, en vitamines et en minéraux, il est perçu comme un aliment sain, complet et facile à intégrer dans de nombreux plats. Cette polyvalence séduit aussi bien les familles que les personnes attentives à leur budget ou à leur apport nutritionnel.

Les tendances alimentaires amplifiées par les réseaux sociaux jouent également un rôle. Régimes hyperprotéinés, recettes simples et rapides, batch cooking : l’œuf est devenu un ingrédient central de nombreuses pratiques culinaires modernes.

Une pression accrue de l’industrie agroalimentaire

La demande ne vient pas uniquement des ménages. L’industrie agroalimentaire consomme elle aussi des volumes croissants d’œufs. Pâtisseries industrielles, sauces, plats préparés, glaces : en dix ans, certains segments ont vu leur utilisation d’œufs bondir de manière spectaculaire.

Cette concurrence entre consommation domestique et usages industriels pèse lourdement sur l’approvisionnement global, accentuant les tensions sur les chaînes de distribution.

Une filière en pleine transformation

À cette demande record s’ajoute un changement structurel majeur dans la filière avicole. De plus en plus d’éleveurs abandonnent les cages au profit de modes d’élevage alternatifs, notamment le plein air, sous l’effet des attentes sociétales et des engagements de la grande distribution.

Si cette évolution répond à des préoccupations légitimes de bien-être animal, elle a un impact direct sur les volumes produits. Les élevages plein air impliquent une densité de poules plus faible, et donc une production mécaniquement réduite à court terme.

Une pénurie appelée à durer ?

Entre consommation en hausse continue, transformation des modes d’élevage et comportements d’anticipation des consommateurs qui achètent davantage « par précaution », les rayons d’œufs peinent à retrouver une stabilité. Cette situation ne relève ni d’un scandale ni d’un dysfonctionnement isolé, mais d’un déséquilibre temporaire entre une offre contrainte et une demande en plein essor.

Un rappel utile, finalement, qu’un produit simple et familier peut rapidement devenir rare lorsque tout le monde se met à le vouloir au même moment.

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