Squatteurs et prescription trentenaire : ce que chaque propriétaire doit absolument savoir
Posséder une résidence secondaire, un terrain non bâti ou une maison inoccupée peut sembler être un privilège. Mais ce patrimoine immobilier, lorsqu’il n’est pas surveillé, peut devenir une cible vulnérable. Saviez-vous qu’en France, un squatteur peut, sous certaines conditions, devenir légalement propriétaire de votre bien ? Ce scénario, bien que rare, est tout à fait réel grâce à un mécanisme méconnu du grand public : la prescription acquisitive, aussi appelée usucapion.
Prescription acquisitive : quand le temps joue contre le propriétaire
La prescription acquisitive repose sur un principe simple mais implacable : une possession prolongée et continue d’un bien immobilier peut, à terme, se transformer en droit de propriété. Autrement dit, si un occupant illégal parvient à rester suffisamment longtemps dans un logement ou sur un terrain sans que le propriétaire n’intervienne, il pourrait finir par en revendiquer légalement la propriété.
Deux cas de figure existent en droit français :
1. La prescription abrégée (10 ans)
Elle concerne des occupants de bonne foi disposant d’un titre de propriété, même invalide. C’est typiquement le cas de quelqu’un qui achète un terrain sans savoir que le vendeur n’en était pas le véritable propriétaire. Si personne ne conteste cette possession pendant dix ans, elle peut devenir légitime aux yeux de la loi.
2. La prescription trentenaire (30 ans)
Beaucoup plus inquiétante pour les propriétaires absents, elle s’applique même en cas de mauvaise foi. Un squatteur, installé sans droit ni titre, peut devenir propriétaire au bout de 30 ans si le véritable propriétaire ne manifeste aucune opposition. La possession doit néanmoins être :
- Paisible (sans recours à la violence)
- Publique (visible aux yeux de tous)
- Continue (sans interruption)
- Non équivoque (sans ambiguïté)
- Exercée comme un propriétaire (entretien, usage des lieux…)
Autrement dit, un squatteur peut s’installer, entretenir les lieux comme si c’était chez lui, et attendre que le temps fasse son œuvre.
Mauvaise foi ? Pas un obstacle pour la justice
Ce qui choque le plus : la mauvaise foi de l’occupant ne constitue pas un frein à son acquisition du bien. Même s’il sait pertinemment qu’il n’est pas chez lui, la justice peut reconnaître son droit de propriété au terme des 30 ans. La jurisprudence française l’a confirmé à plusieurs reprises.
Comment se protéger de ce risque ?
Si les cas de prescription trentenaire aboutissant à une perte de propriété sont rares, ils ne sont pas impossibles. Voici quelques conseils essentiels pour tout propriétaire :
- Surveillez vos biens inoccupés : passez régulièrement, confiez une visite ponctuelle à un voisin ou un proche, installez un système de vidéosurveillance.
- Entretenez et valorisez vos propriétés : tondez, réparez, plantez, occupez physiquement les lieux dès que possible.
- Réagissez rapidement à toute occupation illégale : plus l’intervention est rapide, plus il est facile d’agir juridiquement pour expulser les squatteurs.
Conclusion : l’inertie peut coûter très cher
Ce que beaucoup ignorent, c’est que le silence du propriétaire peut être interprété comme un abandon. Et face à un squatteur persévérant, bien informé et discret, l’inaction ouvre la porte à la perte pure et simple du bien. Il est donc impératif de rester vigilant, notamment lorsqu’on possède des biens immobiliers secondaires ou laissés vacants.
En matière de droit immobilier, le temps est une arme à double tranchant. Pour les squatteurs comme pour les propriétaires. À vous de vous en servir à bon escient.
