Et si on touchait notre salaire chaque semaine ?
Marre d’attendre la fin du mois pour voir votre compte en banque respirer ? Vous n’êtes pas seul. En France, de plus en plus de salariés réclament un changement de rythme : recevoir leur paye chaque semaine, et non plus seulement une fois par mois. Une idée qui semble séduisante à première vue, mais qui soulève aussi plusieurs enjeux économiques et sociaux.
Un modèle vieux de près d’un demi-siècle
Le versement mensuel du salaire, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est inscrit dans le Code du travail depuis 1978. Il s’agissait à l’époque d’une avancée majeure obtenue à la suite de longues luttes syndicales. Objectif : offrir plus de stabilité financière aux travailleurs, leur permettre de mieux planifier leurs charges et sécuriser leur quotidien. Grâce à cette mensualisation, il est possible de lisser les revenus sur l’année, indépendamment du nombre de jours travaillés dans chaque mois.
Comme l’explique Caroline Diard, professeure associée à TBS Education, ce système permet aussi d’aligner revenus et charges fixes : loyer, crédits, abonnements. Toute la société fonctionne aujourd’hui au rythme du mois.
Mais la société a changé
Le problème, c’est que les habitudes de consommation et les difficultés financières du quotidien ne sont plus celles de 1978. Selon une étude menée en janvier 2025 par Lesfurets et CSA Research, 22 % des Français sont à découvert dès le 16 du mois. Et chez les jeunes actifs, la pression est encore plus forte : selon OpinionWay pour Stairwage, 75 % des moins de 35 ans aimeraient pouvoir débloquer leur salaire plusieurs fois par mois.
Cette évolution des attentes a conduit le député Jean Laussucq à déposer une proposition de loi en mars 2025 pour permettre le versement hebdomadaire des salaires. L’idée : offrir plus de flexibilité aux salariés, et leur permettre de mieux gérer leur budget au fil des semaines.
La tentation du paiement à la demande
Certaines entreprises expérimentent déjà des systèmes de « salaire à la demande », qui permettent aux employés de débloquer une partie de leur rémunération avant la fin du mois. Cela peut être utile pour faire face à une dépense imprévue ou pour éviter un découvert coûteux. Ces modèles, largement facilités par les outils numériques, s’installent progressivement dans le débat public.
Des risques à ne pas négliger
Mais tout n’est pas si simple. Revenir à un paiement hebdomadaire pourrait complexifier la gestion comptable pour les entreprises, et engendrer des coûts administratifs supplémentaires. Pour les salariés, cela pourrait également rendre plus difficile la planification de leurs charges mensuelles. Recevoir un salaire chaque semaine incite davantage à consommer au fil de l’eau, sans forcément mettre de côté pour les dépenses fixes du mois.
Comme le rappelle Caroline Diard, une paie hebdomadaire pourrait entraîner une gestion financière plus instable, notamment pour ceux qui ont du mal à anticiper leurs dépenses.
Vers un modèle hybride ?
La solution pourrait se situer entre les deux : garder un cadre mensuel légal, tout en permettant aux salariés d’accéder à une partie de leur salaire à la semaine ou à la quinzaine. Une sorte de compromis entre stabilité et flexibilité, adapté aux réalités économiques actuelles.
Ce débat soulève au fond une question plus large : comment adapter notre modèle social aux nouvelles attentes sans perdre les acquis des décennies passées ? Le salaire hebdomadaire n’est peut-être pas une fin en soi, mais il pourrait bien être le point de départ d’une réflexion plus globale sur le rapport au travail, à la rémunération et au pouvoir d’achat.